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"Peu après, je remarquai un net changement dans le paysage. Les fleurs éclatantes, à
l’allure vénéneuse, devenaient spectrales. Tous les contours se mirent à osciller
rythmiquement, et des points de lumière brillante apparurent et dansèrent sur le même
tempo. Après quoi, la température sembla fluctuer dans un martèlement au rythme
particulier. L’univers tout entier semblait battre d’une pulsation profonde et régulière
qui emplissait l’espace. Je perdis le sens de l’équilibre, et, pris de vertige, je me mis
à tituber, je fermai les yeux et couvris mes oreilles de mes mains, mais cela
n’améliora pas la situation. Cependant, mon esprit était encore lucide et, en quelques
minutes, je me rendis compte de ce qui s’était passé. J’avais rencontré l’une de ces
curieuses plantes à mirages dont tant d’entre nous ont parlé. Anderson m’avait
prévenu, et me les avait décrites très précisément, la tige touffue, les feuilles
pointues, et les fleurs marbrées dont les exhalaisons gazeuses, génératrices de rêves,
arrivent à pénétrer toutes les sortes de masques. En me rappelant ce qui était arrivé à
Kailey trois mois auparavant, je fus pris de panique et me mis à courir dans le monde
dément et chaotique que les manifestations de la plante avaient tissé autour de moi.
Puis je repris mes esprits, et compris que tout ce que je devais faire était de
m’éloigner de la source des pulsations en me frayant aveuglément un passage, sans
tenir compte de ce qui semblerait tourbillonner autour de moi, jusqu’à ce que je fusse
en sécurité, hors du rayon d’action de la plante.
Bien que tout tournât dangereusement, je tentai de me placer dans la bonne direction. Mon itinéraire était loin d’être rectiligne. Peu à peu, les lueurs mouvantes disparurent et le paysage spectral et ondulant commença à reprendre un aspect solide. Quand je fus à nouveau en sécurité, je regardai ma montre, et fus étonné de constater qu’il n’était que 4h20."
Dans les Murs d'Eryx (In the Walls of Eryx), nouvelle fantastique, Kenneth J. Sterling et H. P. Lovecraft non crédité, écrite en 1936 et publiée en dans Weird Tales. Traduction par Paule Pérez.